Kerkini Lake
Le lac Kerkini, Macédoine grecque. Décembre 2024.
Adossé aux contreforts qui marquent la frontière entre la Grèce et la Bulgarie, le lac Kerkini est un havre de paix en cette saison. Ce vaste miroir d’eau, vibrant de silence et de vie, est l’une des plus riches zones humides d’Europe, où plus de 300 espèces d’oiseaux trouvent refuge. Pourtant, en ce mois de Décembre, le paysage paraît désert mais l’absence n’est qu’une illusion ; l’homme et les animaux sont ici une présence diffuse, perceptible dans ce qui subsiste plutôt que dans ce qui s’impose.
Le niveau du lac a baissé, étirant l’estran pour dévoiler de larges étendues de terres humides, vestiges des hauteurs estivales. Les perchoirs solitaires des mouettes, les racines nues et les jetées de terre improvisées se transforment en témoins d’un changement subtil orchestré par le barrage en amont. Au cœur de ces plaines, les longs sillons laissés par les machines agricoles pour lutter contre la bardane envahissante esquissent une trame silencieuse sur le paysage. Les buffles d’eau, héritiers de l’armée de Xerxès, y errent guidés par leurs bouviers, tandis que pélicans frisés, oies rieuses et flamants roses, glissant sans un bruit, poursuivent leur cycle migratoire . Au nord, la montagne Kerkini dresse sa silhouette massive, ses contreforts verts et bosselés s’équarrissent avec l’altitude et ses sommets se parent d’un blanc qui seul se reflète dans l’eau du lac ; la montagne, elle, disparaît. Chaque matin, les premiers rayons effleurent l’eau et font scintiller le plumage des oiseaux, mais les montagnes de l’ouest dérobent au lac ses dernières lueurs. Ici, le crépuscule ne s’attarde pas…
Je photographie ces seuils, ces moments fragiles où le monde hésite, où rien n’est complètement là ni totalement disparu. Le lac n’est ni intact ni perdu, il est en transition, un territoire flottant entre mémoire et devenir. Dans cette capture du temps suspendu, chaque image devient un témoin discret de l’éphémère, une invitation à contempler ce qui, bien que temporaire, révèle la profonde vérité du lieu.
Kerkini Lake, Greek Macedonia. December 2024.
Nestled against the foothills marking the border between Greece and Bulgaria, Lake Kerkini is a haven of peace this season. This vast water mirror, vibrant with silence and life, is one of Europe's richest wetland areas, where over 300 species of birds find refuge. Yet, in this December month, the landscape appears deserted, but absence is merely an illusion; both humans and animals are a diffuse presence here, perceptible in what remains rather than in what imposes itself.
The water level of the lake has dropped, stretching the shore to reveal large stretches of wetland, remnants of the summer heights. The solitary perches of seagulls, the bare roots, and the improvised earth piers become witnesses to a subtle change orchestrated by the upstream dam. In the heart of these plains, long furrows left by agricultural machines to fight the invasive burdock sketch a silent pattern on the landscape. Water buffaloes, heirs to Xerxes’ army, roam, guided by their herders, while curly pelicans, laughing geese, and flamingos, gliding without a sound, continue their migratory cycle. To the north, Mount Kerkini stands with its massive silhouette, its green, hilly foothills flattening with altitude, and its peaks dressed in a white that alone reflects in the lake’s waters; the mountain itself disappears. Every morning, the first rays brush the water, making the birds' feathers sparkle, but the western mountains steal the lake’s last rays. Here, twilight doesn’t linger…
I photograph these thresholds, these fragile moments where the world hesitates, where nothing is entirely present nor completely gone. The lake is neither intact nor lost; it is in transition, a floating territory between memory and becoming. In this capture of suspended time, each image becomes a quiet witness to the ephemeral, an invitation to contemplate what, though temporary, reveals the deep truth of the place.